La céramique, futur improbable mais sérieux du stockage de l’intelligence artificielle
Et si l’avenir du numérique ne reposait pas sur la course à la puissance, mais sur un retour à la matière ? Tandis que les data centers saturent et que les IA exigent toujours plus d’espace pour entreposer leurs montagnes de données, une solution inattendue émerge : graver ces données sur de la céramique. Entre innovation technologique et bon sens écologique, un tournant silencieux pourrait bien être en train de s’amorcer.

Les data centers au bord de l’implosion : une crise silencieuse
Pendant longtemps, on a parlé du cloud comme d’un espace éthéré. Un endroit presque magique, où l’on stocke nos données comme on poserait un livre sur une étagère invisible.
Mais voilà, le cloud n’a rien d’immatériel. C’est du béton, de l’acier, du câblage et beaucoup, vraiment beaucoup de climatisation. Les data centers sont de véritables monstres énergivores.
Et l’IA, avec son appétit insatiable, ne fait qu’aggraver le problème.
Un tsunami de datas, souvent inutiles, toujours coûteuses
Chaque seconde, des tonnes de données sont générées. Parmi elles, une majorité dort. On les appelle les cold datas. Ce sont ces photos floues qu’on n’efface jamais, ces fichiers oubliés mais stockés « au cas où ». Des données qu’on consulte rarement, voire jamais. Mais qui doivent être conservées.
C’est là que le bât blesse : ces cold datas représentent près de 70 % du stockage mondial. Et le pire ? Même les entreprises les laissent s’accumuler. Par facilité. Par paresse parfois. Ou simplement parce que l’effacement coûte aussi cher que la conservation.
IA et responsabilité : stocker, c’est aussi se protéger
L’exemple qui fait réfléchir
Cruise, la filiale de General Motors spécialisée dans les voitures autonomes, a récemment été sanctionnée : 1,5 million de dollars d’amende, tout ça pour une simple raison. L’incapacité à fournir les données liées à un accident.
Parce que oui, avec l’IA, il ne suffit plus de stocker pour stocker. Il faut garder des traces. Comprendre les décisions. Prouver, si besoin, que l’algorithme n’a pas déraillé. Et ça, c’est une sacrée montagne de données à archiver.
Cerabyte : une idée brillante, presque artisanale
Face à ce mur de données, une solution venue d’ailleurs — ou plutôt d’un autre temps — fait surface : la céramique.
Un certain Martin Kunze, connu pour son projet Memory of Mankind, propose de graver les données sur du verre recouvert de céramique. À première vue, on pourrait croire à un fantasme de technophile nostalgique. Mais le concept tient debout. Vraiment.
Le projet, baptisé Cerabyte, vise à créer un support capable de conserver les données pendant des siècles, sans électricité, sans maintenance, et surtout sans surchauffer la planète.
Pourquoi ça marche (et pourquoi c’est malin)
Contrairement aux bandes magnétiques ou aux disques durs, le verre céramique ne craint ni le froid, ni la chaleur. Il ne se détériore pas au fil du temps. Pas besoin de le changer tous les cinq ans. Et surtout, une fois gravé, il garde les infos intactes.
Même si Cerabyte disparaît demain, les données pourront être relues. Comment ? Avec un simple microscope laser. C’est presque poétique, non ?
Le CERN s’en mêle : un partenariat qui en dit long
Quand le CERN, temple de la recherche scientifique, s’intéresse à votre solution de stockage, ce n’est jamais anodin. Eux aussi croulent sous les données, notamment avec leur futur accélérateur de particules.
Et eux aussi cherchent un moyen de stocker pour l’éternité. Avec Cerabyte, ils développent même un manuel d’instructions pour que les données puissent être lues dans un siècle, même sans le matériel d’origine.
On est loin des solutions propriétaires. On parle ici d’open source de la mémoire.
Sortir du cloud : reprendre la main sur ses données
Aujourd’hui, rares sont les entreprises qui stockent elles-mêmes leurs données. Trop cher, trop complexe, trop risqué. Alors, on confie tout au cloud. Et on perd un peu de contrôle au passage.
Cerabyte offre une alternative. Un support physique. Durable. Résistant. Plus cher au départ ? Oui. Mais amorti en vingt-cinq ans. Et conçu pour garder des informations pendant plus d’un siècle.
C’est une promesse d’indépendance. Une promesse de tranquillité aussi.
Encore un prototype, mais un avenir déjà palpable
À ce jour, Cerabyte n’en est qu’à ses débuts. Un prototype capable de stocker un petaoctet existe déjà. Pour ceux qui ont du mal à visualiser : c’est 1 000 téraoctets. De quoi archiver une cinémathèque nationale, ou les données de toute une université.
Est-ce suffisant pour Google ? Non. Pas encore. Mais pour beaucoup d’acteurs, c’est déjà une révolution.
Quand l’innovation revient à l’essentiel
Le monde numérique court vite. Trop vite parfois. Mais Cerabyte nous rappelle une chose : l’innovation ne réside pas toujours dans la course à la puissance.
Parfois, elle est là où on ne l’attend pas. Dans la matière. Dans la durée. Dans la simplicité.
Alors, la céramique est-elle l’avenir de l’IA ? Difficile à dire. Mais une chose est sûre : dans un monde où les datas deviennent un fardeau, cette piste-là mérite qu’on s’y attarde