En apparence inoffensive, la nouvelle fonctionnalité de géolocalisation d’Instagram, « Friend Map », inquiète déjà spécialistes et utilisateurs. Encore absente en France, cette carte sociale soulève de nombreuses questions, entre promesse de proximité et réalité d’une surveillance intrusive.
Une carte pour « rapprocher les amis »… mais à quel prix ?
Instagram présente sa Friend Map comme un outil fun. Le genre de truc qu’on active en soirée, entre potes, pour savoir qui est dans le coin. En surface, l’idée semble séduisante : découvrir les déplacements de ses amis en temps réel, explorer de nouveaux lieux à travers leurs activités. Ça fait très « social », très dans l’air du temps.
Mais dès qu’on gratte un peu, le vernis s’écaille. Contrairement à un simple check-in ponctuel, ici, c’est du suivi continu. En temps réel. Et ça, ça change tout. Car oui, vos amis peuvent vous voir sur une carte. Mais aussi potentiellement bien plus de monde, et parfois, sans même que vous en soyez pleinement conscient.
Une technologie qui ne dort jamais
Techniquement, la Friend Map s’appuie sur un cocktail GPS, Wi-Fi et Bluetooth pour localiser l’utilisateur. Tout cela fonctionne uniquement sur mobile. Et si vous avez déjà utilisé la localisation sur Instagram – pour taguer un resto ou une plage, par exemple – il se peut que l’autorisation soit déjà active. Sans alerte. Sans notification. En douce.
Ce flou dans la gestion des autorisations inquiète. D’autant plus que Meta, la maison mère d’Instagram, n’est pas réputée pour sa transparence sur les données personnelles.
Ce que Meta sait (et garde)
Et là, on entre dans le dur. Check Point et Proton, deux organisations spécialistes en cybersécurité, ont étudié la Friend Map. Verdict ? Deux types de données sont collectées :
- Les journaux de localisation (quand vous ouvrez l’appli ou quand elle s’active en arrière-plan),
- Les données associées aux contenus géolocalisés (Reels, stories, posts, etc.).
Ces informations sont stockées sur les serveurs de Meta. Pas de chiffrement de bout en bout. Cela signifie que ces données sont accessibles aux employés de Meta… ou à toute personne qui arriverait à mettre la main dessus. Ça pique, non ?
Des dangers bien concrets, et pas que pour les paranoïaques
Il ne s’agit pas simplement d’un débat théorique sur la vie privée. Non. Les risques sont très concrets :
Danger physique
On parle ici de harcèlement, de surveillance, de cambriolage facilité par des absences régulières. Et les mineurs ? Encore plus vulnérables.
Danger numérique
Avec la localisation, Meta enrichit encore davantage ses profils utilisateurs. Résultat : un ciblage publicitaire encore plus fin… mais aussi plus d’exposition aux attaques de phishing ou aux arnaques. Les données peuvent aussi être utilisées à des fins politiques dans certains pays.
Pourquoi Instagram inquiète plus que Snap ou Apple ?
Snapchat a été le premier à populariser ce concept avec sa Snap Map. Apple, de son côté, propose Find My, qui est très limité et sécurisé (données chiffrées, accès restreint aux proches). Instagram ? C’est tout autre chose.
Voici pourquoi l’outil d’Instagram est jugé plus dangereux :
- Un écosystème Meta déjà ultra-connecté : Instagram, Facebook, Messenger et WhatsApp. Tout est lié. Un gouffre de données prêtes à fuir.
- Une finalité publicitaire assumée : la géolocalisation sert directement à enrichir vos profils pour mieux vous vendre des pubs.
- Un historique sulfureux : les scandales liés aux données chez Meta ne sont plus à compter. Alors, confiance ? Hmm…
Comment désactiver la Friend Map et reprendre le contrôle
Sur Instagram (si l’option est dispo chez vous)
- Ouvrez les Messages dans l’appli,
- Allez sur la Carte, en haut,
- Paramètres → « Personne » → Terminé.
Depuis votre téléphone
Sur Android :
- Paramètres → Localisation → Autorisations des applications,
- Cherchez Instagram → « Ne pas autoriser ».
Sur iOS :
- Réglages → Confidentialité → Services de localisation,
- Instagram → Choisir « Jamais ».
Facile ? Oui. Mais encore faut-il savoir que c’est nécessaire. Et c’est là que le bât blesse.
La géolocalisation sociale : nouvelle norme ou dérive dangereuse ?
Ce que dénonce Proton, c’est surtout la banalisation de cette collecte. On finit par croire que c’est normal, voire cool, d’être traqué. Et les plus jeunes sont en première ligne.
Le message est clair : ne vous laissez pas endormir par la facilité. Vérifiez vos réglages. Soyez sélectif avec vos abonnés. Activez la supervision parentale si besoin. Mais surtout, gardez en tête que parfois, le plus simple reste encore de tout désactiver.
Parce qu’au fond, poser son téléphone et vivre l’instant, c’est peut-être ça, le vrai partage.